Romancier, essayiste, traducteur, tantôt écrivain, tantôt lecteur. La dynamique magique du savoir, l’enchainement libératoire ! A l’occasion de la publication d’un ouvrage sur le sens de la vie au travers de l’œuvre de Dante « De la curiosité », il réaffirme ses convictions. « Aujourd’hui…il y a pire : tout intellectuel est déprécié ! Pour la simple raison que nous avons choisi de bâtir une société mercantile et d’y vivre. Ce qui compte, par dessus tout, c’est la consommation. C’est-à-dire celui qui ne réfléchit pas, qui ne pose pas de questions. Si les gens réfléchissaient, ils n’achèteraient pas un jean troué à 555 euros…Il y a un vrai dénigrement de l’acte intellectuel. Et puis notre société ne nous offre plus de lieux pour converser et réfléchir in vivo : la musique qu’on nous déverse sous forme de bruit dans les cafés et les restaurants, rend tout cela impossible. Par ailleurs, une certaine paresse s’est installée : la mémoire de l’ordinateur tend à remplacer la mémoire humaine alors que nous constatons que les informations ne sont jamais ou rarement consultées. La mémoire de l’homme qui est à la fois associative et créative est un muscle qui se développe ou qui s’atrophie ».

 

Alberto Manguel, Nouvel éloge de la folie, Actes Sud ,390 pages, 2011

Alberto Manguel, Journal d’un lecteur, Actes Sud, 245 pages, 2006

Alberto Manguel, La bibliothèque la nuit, Actes Sud, 375 pages, 2009

Alberto Manguel, Le voyageur et la tour Actes Sud, 158 pages, 2013

Alberto MANGUEL, né en 1948

L’Homme-livre
Bien sûr « le zéro et l’infini » (Livre de Poche) mais aussi « Spartacus » (Livre de poche) ou encore « Les call-girls » (10-18), un homme de plume plurivalent, du roman à l’essai, de l’histoire à la fiction. Un révélateur comme peut-être un esprit libre, complexe. « la pensée d’un individu vivant à l’intérieur d’un système clos, communiste ou autre, se résume à une seule formule : il peut prouver tout ce qu’il croit et il croit tout ce qu’il peut prouver » (La corde raide)

 

Arthur Koestler, Œuvres biographiques, Laffont, 1404 pages, 1994

Arthur Koestler, Le cheval dans la locomotive, Les Belles Lettres, 372 pages, 2013

Arthur Koestler, La pulsion vers l’autodestruction, L’Herne 156 pages, 1997

Arthur Koestler, Les militants, Mille et une nuits, 176 pages, 1997

Arthur Koestler, Analyse d’un miracle, Calman Lévy, 320 pages, 1967

Arthur Koestler, La lie de la terre, Mémorial Shoah, 302 pages, 2013

Pierre Debray-Ritzen, Arthur Koestler, L’Herne, 280 pages, 1987

Arthur KOESTLER, 1905-1983

Esprit libre

J’emprunte le titre de la remarquable biographie « Manès Sperber » rédigée par Olivier Mannoni (Albin Michel, 2004). Un titre qui résume et condense une vie entre action et réflexion, et une traversée du siècle passionnée. « Ne jamais oublier que l’on n’est pas uniquement responsable de ses propres actes, mais de tout le mal que l’on pourrait empêcher ou amoindrir ».

Manès Sperber, La baie perdue, Calman Lévy, 408 pages, 1953

Manès Sperber, Alfred Adler, Gallimard, 316 pages, 1972

Manès Sperber, Qu’une larme de l’Océan, Rombaldi, 253 pages, 1976

Manès Sperber, Les visages de l’histoire, O Jacob, 198 pages, 1990

Manès Sperber, Etre juif, O Jacob, 216 pages, 1994

Manès Sperber, Et le buisson devin cendre, O Jacob, 842 pages, 1990

Manès Sperber, Porteurs d’eau, Calman Lévy, 233 pages, 1976

Manès Sperber, Le talon d’Achille, Calman Lévy, 232 pages, 1957

Manès SPERBER, 1905-1984

L’espoir tragique

Un survivant parmi d’autres, un témoin d’une force sans égal, une mémoire sans concession. « Le pouvoir existe dans toutes les sociétés de l’organisation sociale humaine, plus ou moins contrôlé, usurpé, investi d’en haut ou reconnu d’en bas, donné par le mérite, la solidarité corporative, le sang ou le revenu : il est vraisemblable qu’une certaine mesure de domination de l’homme par l’homme est inscrite dans notre patrimoine génétique d’animaux grégaires » (page 46 Naufragés et rescapés).

 

Primo Lévi, Conversations et entretiens, R Laffont, 312 pages 1998

Clés pour « Si c’est un homme », Pocket, 190 pages, 2001

Primo Lévi, Lilith, Livre de Poche, 222 pages, 1989

Primo Lévi, La zone grise, Payot, 154 pages, 2013

Primo Lévi, Maintenant ou jamais, Julliard, 290 pages, 1993

Primo Lévi, Si c’est un homme, Pocket, 216 pages, 1990

Philippe Mesnard, Le passage de témoin, Fayard, 614 pages, 2011

Myriam Anissimov, Primo Lévi, JC Lattès, 698 pages, 1996

Guiseppina Santagostino, Primo Lévi le dialogue des savoirs, L’Harmattan, 108 pages, 1997

Primo Lévi, Poeti, Liana Lévi, 54 pages, 2002

Sergio Luzzato, Partigia, Gallimard, 458 pages, 2016

Primo lévi, Les naufragés et les rescapés, Gallimard, 198 pages, 1989

Primo LEVI, 1919-1987

Passage de témoin

Belge, australien, sinologue averti, l’auteur « Des habits neufs du président Mao » ,dès 1971 affirmait son indépendance et son sens critique face à tous les emballements idéologiques avec leur catéchisme laïque n’ayant rien à envier aux péremptoires religions du livre.

Un homme aux riches et fulgurantes analyses hors des sentiers battus, des clichés et des idées reçues.

 

Simon Leys, quand vous viendrez me voir aux antipodes, Editions Ph. Rey, 190 pages, 2015

Pierre Boncenne, Le parapluie de Simon Leys, Editions Ph. Rey, 252 pages, 2015

Simon LEYS, 1935-2014

Clairvoyance et folie des idéologies
Il aimait l’image, les images, fixes ou en mouvement, les voyages, les livres, les sons, la découverte d’horizons tant physiques qu’intellectuels.

Il dirigea au Seuil la collection « Petite Planète » qui publia des monographies sur les pays du globe, dont celle d’Armand Gatti sur la Chine ou de Joseph Rovan sur l’Allemagne. Il fréquentait Joseph Rovan dans le cadre de l’association Peuple et Culture, un creuset, un réservoir d’éducation populaire créé à la Libération. Il en fût un des membres avec Joffre Durnazedier (sociologue de la civilisation des loisirs), Benigno Cacéres (auteur autodidacte) ou encore Hubert-Beuve-Mery, fondateur du Monde. Ce compagnonnage caractérise Chris Marker, à la fois enfant et produit de l’éducation populaire, et acteur et producteur d’éducation populaire. Cinéaste nomade, documentariste sans concession, refusant de paraître, préférant le sens aux apparences, inventeur de formes et tout concentré sur le fond des choses. Avec « le fond de l’air est rouge » en 1977, il réalise à partir de bouts de pellicule, de chutes de reportage, de bobines négligées, un film documentaire de 180 minutes qui montre l’histoire en mouvement, mais plus par son montage, par ses commentaires, permet d’en saisir et comprendre le(s) sens. Unique.

 

Chris Marker, le fond de l’air est rouge, 2 DVD, Arte Editis, 2013

Chris Marker, Regard neuf sur Olympia 52, 1 DVD, Tamusu, 2013

Chris Marker, La trilogie des Balkans, 10 DVD, Arte Editis, 2016

Chris Marker, Le fond de l’air est rouge, François Maspéro, 206 pages, 1978

Chris MARKER, 1921-2012

Un homme protée
Philosophe, essayiste… Découverte avec « Eichmann à Jérusalem », reportage, compte-rendu du procès, saisissant, provocant, soulevant bien des interrogations, choisissons en deux.

Sur la banalité et sur la soumission.

« Eichman était tout à fait intelligent, mais il avait cette bêtise en partage. C’est cette bêtise qui était si révoltante. Et c’est précisément ce que j’ai voulu dire par le terme de banalité. Il n’y a là aucune profondeur, rien de démoniaque… les hommes qui ne pensent pas sont comme des somnambules ». (« Eichman était d’une bêtise révoltante, entretiens avec J.Fest, Fayard, 2013).

« Si les juifs n’avaient pas aidé au travail de la police et de l’administration- j’ai déjà mentionné comment la rafle ultime des juifs de Berlin fut l’œuvre exclusive de la police juive- il y aurait eu un chaos complet, ou il aurait fallu mobiliser une main d’œuvre dont l’Allemagne ne pouvait se passer ailleurs ».

(Eichman à Jérusalem, Folio, 226 pages)

 

Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme… , Quarto Gallimard, 1600 pages, 2005

Hannah Arendt, M. Heiddegger, lettres 1925-1973, Gallimard, 398 pages, 2001

Elisabeth Young, Hannah Arendt, Gallimard, 718 pages, 1999

Hannah Arendt, La crise de l’éducation, Folio, 152 pages, 2006

Hannah Arendt, Marie Mac Carthy, Correspondances, Stock, 565 pages, 1996

Hannah Arendt, Vies politiques, Gallimard, 330 pages, 2006

Hannah ARENDT, 1906-1975

La banalité du mal

Journaliste, écrivain prolixe, philosophe, essayiste, polémiste à l’occasion, du « Mythe de Sisyphe » à « Noces » ou encore « Eté », du raisonnement aux sensations, il a offert tout un registre de mots et d’idées, très étudiés dans la fin des années 1960 en milieu scolaire.

« Si sa première analyse le conduit à conclure à l’absurde, ce n’est pas pour s’y complaire, mais pour chercher une issue, la révolte, l’amour ». (Roger Grenier)

 

Albert Camus, Carnet I, Folio, 225 pages, 2013

Albert Camus, Carnet II, Folio, 368 pages, 2013

Albert Camus, Carnet III, Folio, 378 pages, 2013

Conor Cruise O’Brien, Albert Camus, Seghers, 140 pages, 1970

Roger Grenier, Albert Camus, Folio, 408 pages, 1999

Albert CAMUS, 1913-1960

Absurde et soleil
Il va vite. Il va au fond. Au fond de l’histoire, au fond des choses, au fond des silences comme des paroles. Lanzmann (Claude) illustre la remontée d’une mémoire si ce n’est enfouie, mais timorée. Avec « Shoah », il brise à jamais une certaine retenue, il impose avec un long métrage (plus de 8 heures) en 1985 une vision, plus il va l’incarner, avec parfois des accents papaux, une sorte d’infaillibilité sacrée. Certains le jugent arrogant, son sens de la répartie et son goût pour la polémique ne feront qu’accréditer ce point de vue ; il polémique avec Anne Sinclair, Elie Weisel, Michel Onfray, Yannick Hannel (à propos de son livre Karski) quoiqu’il en soit il a apporté une pierre essentielle non seulement à la connaissance de l’histoire de la Shoah, mais encore sur la primauté et l’unicité de celle-ci.

 

Les temps modernes N°592, février-juillet 1997

Claude Lanzmann, Le lièvre de Patagonie, Gallimard, 558 pages, 2009

Claude Lanzmann, Le tombeau du plongeur, Gallimard, 442 pages, 2012

Claude Lanzmann, Shoah, Folio, 282 pages, 2015

Claude Lanzmann, Le dernier des injustes, Gallimard, 130 pages, 2015

Collectif , Au sujet de Shoah, Belin, 449 pages, 1990

Yannick Hannel, Jun Karski, Gallimard, 187 pages, 2004

Claude LANZMANN, né en 1925

Lièvre et plongeur
Surnommé « le nègre blanc » par Régis Debray, Jean Ziegler a consacré sa vie à combattre les injustices et faire reconnaître les droits de l’homme, dont celui de pouvoir se nourrir. Dans la lignée des José Castro ou encore René Dumont.

« Toutes les cinq secondes un enfant de moins de dix ans meurt de faim… ».

 

Jean Ziegler, destruction massive, Le seuil, 345 pages, 2011

Jürg Wegelin, Jean Ziegler, Favre, 172 pages, 2012

Jean ZIEGLER, né en 1984

Rebelle pour l’humanité

Un brillant esprit jamais rassasié de saveurs, de connaissances et d’expériences. Scénariste avec Pierre Etaix, Luis Bunuel (Belle de jour…), Milos Forman (Valmont) ou encore J.L Godard, Nagisa Oshima…. Romancier (La controverse de Valladolid…), essayiste (Les années d’utopie), J.C Carrière est un homme aux multiples ressources, un esprit libre, polyvalent. « Le présent change le passé, mais ce présent à son tour devient instantanément un passé que maquille un autre présent » (p 178, Les années utopie).

 

J.C Carrière, Les années utopie 1968-1969, Pocket, 180 pages, 2006

J.C Carrière, L’esprit libre, Ecriture, 308 pages, 2011

J.C Carrière, Croyance, O.Jacob, 335 pages, 2005

Jean-Claude CARRIERE, né en 1931

Esprit libre et polyvalent

Découvert durant les années lycée, de « L’existentialisme est un humanisme », secoué par la lecture de la « Nausée », amateur de son théâtre (Les mouches, Le Diable et le Bon Dieu, Les Séquestrés d’Altona…), épaté par ses engagements, lecteur de la Cause du peuple et de la revue « Les Temps modernes », l’homme a marqué une part de génération par sa dimension critique, par son rejet ostentatoire des décorations et des honneurs, par son combat pour toutes les libertés. « Est-ce donc nuire aux gens que de leur donner la liberté d’esprit ? » (Les Mouches).

 

Ian Birchall, Sartre et l’extrême gauche française, La Fabrique, 400 pages, 2011

Germaine Sorbets, Allo je vous passe…, Plon, 176 pages, 2002

Jean-Paul SARTRE, 1905-1980

Intellectuel engagé

Est-ce Guy Debord ? Sont-ce les situationnistes ? Ou encore les lettristes ? Les années 1970 marquent l’irruption de cet écrivain, cinéaste, essayiste et « militant révolutionnaire ». De « La société du spectacle » (1967) aux nombreux écrits labellisés IS (internationale situationniste), en passant par « In girum imus nocte et consumimur igni » une œuvre entre poésie, révolte, théorie et littérature. Illustration et expression d’une époque de bouleversements (années 1968 à 1977 en Europe occidentale et plus largement). J’y vois une filiation, un prolongement avec les surréalistes et André breton, mais aussi Boris Vian et Jacques Prévert, sans oublier Cornelius Castoriadis et Claude Lefort fondateurs de Socialisme ou Barbarie.

 

Guy Debord, La société du spectacle, Gallimard, 168 pages, 1997

Guy DEBORD, 1931-1994

L’icône d’une époque

Ce professeur à l’université de New-York, marqué par la guerre et le génocide, se posera la question du pourquoi au travers de la soumission, de l’obéissance à des actes criminels. Poids de la hiérarchie ? Foi dans l’infaillibilité de la science et de sa traduction technique ? Peur de mal faire ? L’expérience donnera lieu à sa vulgarisation dans un film « I comme Icare » d’Henri Verneuil en 1979. Une analyse qui pose la question de la responsabilité individuelle et des pressions multiples qu’elle doit subir !

 

Stanley Milgram, soumission à l’autorité, Calman Lévy, 270 pages, 1995

Stanley MILGRAM, 1933-1984

Sociologue de la soumission
En 1970 il publie « L’aujourd’hui des évangiles », une façon, sa manière d’interroger son époque au travers de ces textes anciens. Ce va et vient entre passé et présent, entre pensé et vécu m’accompagne alors. L’homme promène son regard et sa curiosité hors des sentiers battus. Avec un goût pour la transmission. En plus de quarante ans, il a multiplié enseignements, essais, livres, prestations radiophoniques ou télévisuelles, sans oublier quelques fonctions officielles. Il y a chez lui un anti- conformisme naturel, un vulgarisateur hors pair, un provocateur au sens aiguisé de la formule. J’y retrouve une part d’Emmanuel Mounier chef de file du personnalisme chrétien, une inclination pour le spirituel et l’approche intellectuelle du monde environnant, proche de la revue « Esprit », et un appétit pour la pédagogie.

« J’ai toujours eu une passion pour la transmission. Parce que c’est ce qui nous différencie des animaux ».

 

Jean-Claude Barreau, L’aujourd’hui des évangiles, Le Seuil, 300 pages, 1970

Jean-Claude BARREAU, né en 1933

Eveilleur de conscience

Le monde se débat dans des conventions, réflexes, obligations, produisant des décisions absurdes. Christian Morel, fort de son expérience professionnelle et armé de ses capacités de raisonnement et d’une culture philosophique et sociologique impressionnante. Des exemples développés et décortiqués : la décision de lancer Challenger, les erreurs radicales de pilotage, les ratés de la vie quotidienne… Essentiel pour s’ouvrir à la compréhension des erreurs, errements et autres maladresses et confusions individuelles et collectives. Une référence.

 

Christian Morel, L’enfer de l’information ordinaire, Gallimard, 240 pages, 2007

Christian Morel, Les décisions absurdes I, Gallimard, 308 pages, 2003

Christian Morel, Les décisions absurdes II, Gallimard, 278 pages, 2012

Carlo Cipolla, Les lois fondamentales de la stupidité humaine, PUF, 72 pages, 2012

Christian MOREL

Décisions absurdes